Bibliotheca mundi ou Speculum majus
Date approximative : 1264
Précision sur le titre : Speculum Historiale, troisième livre du speculum maius.
Auteur : Vincent de Beauvais, Vincentius Burgundi ou Bellovacensis
Edition utilisée : « Speculi Maioris Vicentii Burgundi » Edition de Douai 1624 Tome IV.
Edition traduction : Personnelle
Fiche Arlima ou CartulR : Arlima
Vincent de Beauvais (1190 ?–1264 ?) est un dominicain français particulièrement érudit qui a écrit un nombre considérable d’ouvrage dont une encyclopédie couvrant toutes les connaissances de son temps. Le passage cité ci-dessous est tiré de cette même encyclopédie appelée Speculum maius composée de trois parties, le speculum naturale, le speculum doctrinale et le speculum historiale qui nous interresse. Le livre trente et unième couvre les années 1245 à 1250 et termine l’œuvre de Vincent de Beauvais. Ce qui a aidé à la renommée de cette encyclopédie, c’est qu’elle fut intégralement traduite par Jehans de Vignay (Hospitalier de saint Jacques du Haut Pas à Paris) et parue sous le nom de « Miroir historial » vers 1320 à la demande de la reine Jeanne de Bourgogne (1293-1349). Nous n’avons aucune certitude sur la vie de Vincent de Beauvais, on pense qu’il fut dominicain à Paris entre 1215 et 1220, puis à Beauvais et enfin lecteur à Royaumont (abbaye cistertienne du Val d’Oise) de 1228 à 1235.Il était proche du roi et de sa famille qui lui ont commandé de nombreuses œuvres.
Les manuscrits de Vincent de Beauvais sont très nombreux car le speculum maius était indispensable dans toute bonne bibliothèque du moyen age. On consultera une liste de 75 références sur Arlima. Le meilleur manuscrit qui sert de base est le Douai 797 XIVème siècle provenant de l’abbaye bénédictine de sainte Rictrude de Marchiennes (n°41 de Arlima).
Ea - Année 1247 : Livre 31 chapitre LXXXVI page 1314 – Prophétie révélée lors de la préparation de l’enterrement de saint Edmund Rich archevêque de Cantorbery (02/04/1234-16/11/1240)
Una vero nocte in domo Templariorum de Colorishabuit hospicium, et tunc quod idem vir sanctus praedixerat extitit adimpletum. Cum enim a
Pontiniacodiscedens per eandem villam iter ageret, iniectis super ipsam domum oculis quaesivit a simul equitantibus cuius esset. Cui quidam ait : Domine domus
Templariorum est. Ad quem sanctus : Cum inquit, ad Pontiniacum rediero, in eadem domo more hospitis pernoctabo. Itaque sicut praedixerat in die beati Edmundi Regis ad portas Pontiniaci delatum
est corpus sanctum, et cum digna reverentia susceptum. Quod in ecclesia collocantes expectaverunt pro compositione tumuli unque in diem qui erat ab eius obitu septimus, in quo nihil corruptionis
apparuit, nullus ut assolet odor malus qui gravaret prope positos est inventus. Nocte autem illa tota pervigil in oratione mansit ecclesia, et corpus in medio quasi roseo colore perfusum jacebat
facie revelata.
Une nuit, certes, il reçut l’hospitalité de la maison templière de Coulours(1), et là, le saint homme lui-même prédit ce qui allait se réaliser. En effet, alors qu’il se rendait à Pontigny(2) en passant par le village, son regard étant attiré par cette maison, il demanda à ceux qui chevauchaient auprès de lui à qui elle appartenait. Quelqu’un lui dit : Maître, c’est une maison templière. Le saint répondit : j’irai, dit-il, à Pontigny, mais c’est dans cette maison vouée à l’hospitalité que je passerai la nuit. Ainsi, comme il l’avait prédit ce jour là, c’est aux portes de Pontigny que le corps vénéré du bienheureux Edmond Rich fut transporté dans le plus grand respect. En attendant que son tombeau soit prêt pour l’installer dans l’église et sept jours après son décès, aucune trace de corruption n’était apparu, alors qu’habituellement les mauvaises odeurs empestent ceux qui s’approchent, il n’en fut rien. Cette nuit là toute l’église resta en veille et pria, le corps reposant avec la face illuminée d’une couleur presque rose.
1. Commanderie templière de Coulours (89230 à 36 km au nord de Pontigny et environ 40 km au sud ouest de Payns)
Pontigny 89230 près d’Auxerre seconde fille de Clairvaux en 1114. A l’exemple de Saint Thomas Becket en 1165 et Etienne Langton tous deux également archevêques de Cantorbery, Saint Edmond (ou St Edme canonisé en 1247) chassé d’Angleterre se réfugie en ce lieu. Son tombeau y est encore visible.
Eb - Livre 31 chapitre XCV page 1318 - De la discorde entre les sultans de Babylone et d’Alep. Guillaume de Sonnac écrit à Louis IX
De discordia inter Soldanos Babyloniorum / Halapiorum. Discorde entre les sultans de Babylone et d'Alep.
Interea Soldanus Babyloniae intellecto quod Rex Franciae hyemaret in Cypro, statim iter arripuit veniendi versus partes Damasci, per civitatem Hierusalem transitum faciendo ; ad hoc intendens modis omnibus et aspirans ut Halapiae Soldanum, et alios eidem adhaerente sibi pacificos et confederatos attraheret, eosque secum in auxilium suum adduceret.Ad hoc etiam nuncios suos Caliphus Baldacensis et Senex de monte destinaverant, ut illos ad concordiam reucicarent. At Soldanus Halapiae cognoscens versutiam, et malitiam Soldani Babyloniae, non est ausus in ipso confidere, nec pacem aut compositionem cum eo voluit inire. Propter quod idem Soldanus Babyloniae in iram motus, urbem Camelae quae pertinent ad Soldanum Halapiae per gentem suam obsideri fecit, et ipse Damascum rediit. In qua scilicet obsidione dictus Soldanus propter hyeme et pluvias et Beduinorum incursus fertur in hominibus ac rebus et animalibus suis multa dispendia sustinuisse. Dum itaque Babylonicus exercitus in obsidione dicta permaneret, Soldanus Halapiae preparato exercitu suo venit, ut eos ab obsidione removeret. Ad quem accedens nuncius Caliphi, monuit eum ut cum Soldano Babyloniae pacem firmaret, proponens ei pericula multa, quae Saracenis imminebant hoc tempore, eo quod exercitus Christianus ad perdendum gentes adque legem Machometi convenisset. Et siquidem ipsi Saraceni taliter in semetipsos bella convercerent, hoc illis ad incommodum et confusionem et Christianis eorum adversariis ad profectum cederet.
Cum hec et alia etiam multa nunciis Caliphi proposuisset, et de hoc jam pluries cum eodem Soldano tractasset, ille nullatenus verbum pacis admittere voluit, dicens quod quamdiu in eius dominio Babylonii morarentur, super hoc aliquarenus non tractaret, et nisi recederent die crastino proculdubio cum eis praelium et confliclum iniret. Videns itaque praedictus nuncius, quod nihil in tractatu pacis proficeret, recessit, ac festinans ad exercitum Babylonicum imminentis eis belli periculum nunciavit, et sic eos ab obsidione recedere fecit. Qui cum maxima confusione in Damascum receperunt se, ubi tunc morabatur Soldanus Babyloniae gravi detentus infirmate. Inter hoc autem magister militum templi et Marescallus hospitalis scripserunt Ludovico Regi, quod Soldanus Babyloniae cum exercitu magno venerat in partes Gazae ad consiliandum sibi Soldanum Halapiae et Damasci. Timebantque ne forte Ioppem vel Caesaream intenderet obsidere. Postea quoque scripsit idem magister Regi quod Admiraldus quidam Soldani Babylonie ad ipsum venerat ut eiusdem Regis Francorum voluntatem inquireret, eo quod Dominus suus libenter cum ipso pacem haberet. Quod Regi omnibusque Baronibus displicuit valde, presertim cum a quibusdam diceretur, Soldanum ad requisitionem eiusdem magistri, praedictum Admiraldum ad ipsum misisse. Itaque Rex incontinenti praefato Magistro per literas suas inhibuit, ne de caetero tales nuncios absque mandato suo speciali reciperet, aut cum eis colloquium habere presumeret. Dicebatur enim ab omnibus qui factum Syriae noverant, quod quantumcunque oppressi essent Syri, nunquam primi faciebant verbum de treugis, sed tunc primo quando cum instatia magna requisiti super hoc erant a Turcis, ideoque quod dictus magister, ut dicebatur, prior inde verbum monerat, ex hoc Christianorum conditio deterior facta sucrat, praefertim quia Turci ex hoc ipso poterant credere quod Rex se viribus inferiorem existimans quacumque causa vel occasione inventa festinaret ad propriam remeare.
Après tout ce qui est décrit ci-dessus, le sultan de Babylone, après avoir appris que le roi Louis hivernait à Chypre, fit mouvement vers Damas en passant par Jérusalem pour aider le sultan d’Alep et ses alliés qui auparavant étaient ennemis à entrer en campagne contre les chrétiens. C’est alors que le caliphe de Baghdad et le Vieux de la montagne qui était le roi des Assassins, lui envoyèrent des messages afin qu’ils puissent se mettre d’accord. Cependant le sultan d’Alep, qui connaissait parfaitement la perfidie du sultan de Babylone et n’osait se fier en lui, se refusa à toute aliance. Le sultan de Babylone en prit ombrage et fortement courroucé mit le siège devant la cité d’Homs (anciennement Emèse), cité de la seignerie du sultan d’Alep, puis il se rendit à Damas pour hiverner. Il avait perdu trop de soldats, de montures et de matériels divers au siège d’Homs, il fallait se protéger du froid, de la pluie et des Bédoins qui rodaient. Quand le sultan d’Alep apprit que sa ville était assiégée, il leva une grande armée et se mit en marche pour lever le siège. Des messagers du calife vinrent à lui et lui intimèrent de faire la paix avec le sultan de Babylone. Les messagers expliquèrent que de grands maux adviendraient aux Sarrasins s’ils ne faisaient la paix entre eux car les chrétiens étaient venus pour détruire la loi de Mahomet et si les Sarrasins en venaient à se combattre les uns les autres, il en résulterait une grande confusion dans leur rangs et beaucoup de joies et de profits pour leurs ennemis chrétiens.
Tout ceci et beaucoup d’autres choses rapportées par les messagers du calife ne ramenèrent pas la paix et il fut répondu que tant que le sultan de Babylone serait dans la seigneurie, il ne se ferait aucun traité et que si le siège de la cité n’était levé il y aurait des combats dès le lendemain. Quand le messager du calife vit qu’il ne pourrait rien obtenir du sultan ni faire la paix, il se retourna vers celui de Babylone et lui décrivit le danger qu’il encourrait s’il ne levait le siège de suite. Après avoir entendu le messager du calife, le sultan de Babylone leva le siège d’Homs et rapatria son armée en grande confusion sur Damas où le sultan de Babylone tomba gravement malade. Pendant ces évènements, le maître du Temple et le maréchal de l’Hôpital d’Acre envoyèrent une missive au roi Louis par laquelle ils signifiaient que le sultan de Babylone avait rejoint les sultans d’Alep et de Damas avec une grande armée dans les environs de Gaza et qu’il était probable qu’il assiègent Jaffa ou Césarée. Après cela, le maître du Temple réécrivit au roi Louis qu’un des émir de l’armée du sultan de Babylone était venu à lui pour s’informer et savoir si le roi Louis de France ne voulait pas faire la paix avec le sultan qui y consentirait bien volontiers. Quand le roi Louis de France entendit le message, ceci lui déplut fortement et ce fut aussi le cas pour ses barons dont quelques uns prétendirent même que ce fut à la demande du maître que le sultan envoya son émir. Le roi Louis répondit par lettre au maître du Temple qu’il lui interdisait dorénavant de recevoir de tels messagers sans son assentiment spécifique ni de parlementer avec les Sarrasins à ce sujet. Il se disait à Chypre par ceux qui connaissaient bien les coutumes syriennes, que jamais les syriens, même en cas de déconfiture, ne parlaient jamais de trêve les premiers mais qu’ils ne le faisaient que réduits à la dernière extrémité. Il se disait que c’était bien la preuve que le maître avait parlé en premier, ce qui affaiblissait la position des chrétiens et que les Turcs pourraient même croire que le roi Louis se sentait plus faible que les Sarrasins ce qui expliquait pourquoi il demandait de négocier la paix.
Ec - Livre 31 Chapitre XCIX page 1320 – Vincent de Beauvais ne cite pas les Templiers lors de la bataille de Mansourah sauf à mentionner des religieux parmi les combattants décédés.
Itaque transacto fluvio ventum est ad locum, ubi juxta praedictam calciatam erant machinae Saracenorum. Habitoque cum Saracenis congressu, nostri qui praecedebant non parcentes
sexui vel aetati, multos ex ipsis trucidarunt. Inter quos et capitaneum illorum, et quosdam alios admiraldos ibidem interfecerunt. Deinde vero dispersis aciebus nostris quidam nostrorum per
hostium castra discurrentes venerunt usque ad villam quae Massora dicitur, quotquot hostium occurrebant gladiis occidentes. Sed tandem Saraceni percepto corum niconfulto processu, resumptis
viribus irruerunt in eos, et undique circumuallantes oppresserunt ipsos. Ubi nostrorum strages non modica Baronum ac militum tam religiosorum quam aliorum facta est. Ibique et Roberrus comes
Attrebatensis frater Ludovici Regis in manus hostium incidens, temporaliter amissus est.
Les nôtres traversèrent le fleuve et vinrent en face de la chaussée déjà citée là ou les Sarrasins avaient dressés leurs engins. Ils se battirent alors avec les Sarrasins sans épargner ni selon le sexe ni selon l'âge et en massacrèrent beaucoup. Parmi les morts il y eut leur chef et d’autres émirs. Puis les nôtres s’éparpillèrent et coururent entre les tentes des Sarrasins, tuant et découpant tant qu’il y eut des ennemis et les poursuivirent jusqu’à la ville appelée la Massoure. Mais quand les Sarrasins s’aperçurent que leurs poursuivants étaient si bêtement éparpillés, ils se reprirent et chargèrent contre eux, ils les encerclèrent et les barricadèrent. Là moururent la plus part de nos barons tant militaires que religieux et beaucoup d’autres. C’est là que Robert le comte d’Artois, frère du roi Louis, fut capturé par les ennemis et disparut.
Après la libération de louis IX, la chronique de Vincent Beauvais se termine par un épilogue sur une réflexion philosophique concernant les temps présents (1250), ce qui clôt le Speculum Historiale.