Chronique française
Date approximative : 1284 pour la seconde rédaction.
Auteur : Baudoin d'Avesnes fils de la comtesse Marguerite de Flandre
Edition utilisée : « Recueil des historiens des Gaules et de la France » Tome XXI 1855 pages 168 et suivantes.
Edition traduction : Personnelle
Fiche Arlima ou CartulR : Arlima 1 Arlima 2
Baudoin d'Avesnes (1219-1289) est un chevalier, seigneur de Beaumont. Né en 1219, son père Bouchard d'Avesne était diacre et sa mère, Marguerite de Constantinople, comtesse de Flandre, se remaria à Guillaume de Dampierre. Elle désirait favoriser ses enfants du second lit pour sa succession et demanda l’annulation de son premier mariage. Il fut pourtant reconnu, avec son frère Jean d’Avesnes, comme fils légitime après l’intervention de Saint Louis et du légat du pape. Le pape Innocent IV lui-même confirma cette sentence le 17 avril 1250. Il fut accusé d’être responsable de l’accident qui coûta la vie à l'un de ses demi-frères Guillaume de Dampierre, piétiné par des chevaux lors d’un tournoi. Il épousa Félicité de Coucy. Il fonda une chapelle chez les cordeliers de Valenciennes. Mort au Quesnoy en avril 1289 il y est inhumé.
Les manuscrits de cette chronique sont très nombreux et l’on se reportera à l’adresse internet ci dessus : Arras (2), Baltimore, Berne, Besançon, Bruxelles (6), Cambrai, Cambridge, Chantilly, La Hague (2), Douai, Gand, Glasgow, København, Kraków, Londres (3), Munich, New Haven (2), Paris (20), Princeton, Tournai, Turin, Valenciennes (2), Vatican, Vienne, Lille (détruit). La chronique attribuée à Baudoin d’Avesnes est en fait anonyme. C’est une compilation de sources diverses dont Vincent Beauvais, Faits des Romains, Gilbert de Mons, Sigebert de Gembloux, Guillaume de Tyr et ses continuateurs… Elle devient plus personnelle et plus régionale pour la période contemporaine de l’auteur.
Or dirons dou roy Loeys de Franche et des pélerins qui estoient à Damiète, si com nous avons dit desus. Quant il i orent séjorné tout l’esté, et li quens Aufous de Poitiers fu venus, ils se partirent de Damiète, et s’en alèrent viers I. liu que on apièle le Massore, ù li Sarrasin estoient assamblé. La roine et les autres dames demourèrent en la ville, et pluisours gens à armes pour le garder. Li pèlerin orent entre voies agait de Sarrasins ; mais li Sarrasin i pierdirent assès.
Ils entendirent que li soudans de Babyloine estoit mors, et que il avoit mandé son aisné fil, qui demouroit ès parties d’Orient, et l’avoit fait asseurer des plus grands amiraus. Cil avoit laissié I. amiral en son liu, qui avoit non Farcadins ; si vint à son père. Le mardi devant Noël, li Crestiien se logièrent entre II. Fluns que on apièle Thanays ; et li Turc estoient de l’autre part : souvent i avoit poigneis. Li Crestiien misent grant painne et grant coust à faire le passage par coi ils peussent venir as Sarrasins ; mais il le destourboient à leur pooir. Uns Sarrasins, qui vint de l’ost des Turs, lour ensaigna I. gués. Li Crestiien i passèrent à grant péril ; car il couvenoit lor chevaus noër tel liu i avoit, et la rive estoit haute. Quant ils furent outre, il coururent sus as Sarrasins ; si en ochisent grant plenté, et entre les autres lour chiévetainne et pluisours amiraus : li remanans torna en fuies. Li maistres dou Temple et pluisours autre loèrent que on demourast ès herberges des Sarrasins. Mais Foukars de Merlo dist au conte Robert d’Artois que li Templier ne volroient mie que la terre fust gaaignie, et li loa que o, cachast avant tant com la victoire duroit. Li quens, ki estoit devant tous, féri des esperons et cacha jusques au Kasal de le Massore. Grant plenté de pélerins, qui l’en virent aller, le suiirent et se férirent en la ville. Là furent tuit mort ou pris ; car il avoit en la ville grant nombre de Sarrasins sour les maisons et en autres lius, qui en ochirent pluisors de pières et d’arbalestres. Apriès, se rassamblèrent li Sarrasin, et vinrent hardoiier en l’ost : pluisours en navrèrent de saiètes ; mais par la volonté Nostre-Signour, li chans demoura as Crestiiens, et se hébergièrent ou liu ù li Sarrasin avoient esté logié. Apriès, firent I. pont parmi le flun, par coi il peussent à leur premières herberges aller. Le vendredi apriès, vinrent li Turc, ki rassamblé estoient ; si assaillirent les pélerins moult efforchiement : cil se desfendirent bien et vighereusement. Poi apriès, vint li fius le soudant à grant compaignie, par coi li os des Turs fu moult acreue.
Voici ce que nous dirons du roi de France Louis et des pélerins qui étaient à Damiette. Après avoir séjourné tout l’été et lorsque le comte Alphonse de Poitiers fut arrivé, ils partirent vers La Massoure où s’étaient réfugié les Sarrasins. La reine et sa suite restèrent en ville sous la garde d’une garnison. Les pélerins combattirent en chemin mais les Sarrasins eurent de lourdes pertes.
Ils apprirent la mort du sultan de Babylone et que celui-ci avait appelé son fils ainé qui résidait dans les régions orientales après s’être assuré de la fidélité de ses principaux émirs. Le commandement étant assuré par un émir appelé Fakr-eddin, le fils vint rejoindre son père. Le mardi qui précédait Noël, les Chrétiens campèrent entre deux fleuves nommés Thanis. Les Turcs étaient sur l’autre rive et les combats fréquents. Les Chrétiens eurent beaucoup de peine à établir une chaussée pour traverser et rejoindre les Sarrasins mais ceux-ci la détruisaient au fur et à mesure. Un des Sarrasins qui provenait de leur camp leur montra un gué. Les Chrétiens y passèrent dangereusement car, par endroits, les chevaux étaient forcés de nager et la rive était haute. Après être passés, ils coururent sus aux Sarrasins et en tuèrent beaucoup dont entre autres leur chef et plusieurs émirs : ceux qui restaient fuirent. Le maître du Temple et plusieurs autres conseillèrent de rester autour des tentes des Sarrasins. Mais Foucard de Merle dit au comte Robert d’Artois que les Templiers refusaient la conquête de la Terre et qu’il fallait continuer pendant que la victoire nous souriait. Le comte qui était à l’avant éperonna son cheval et chargea jusqu’au château de la Massoure. Beaucoup de pèlerins le voyant aller le suivirent et entrèrent dans la ville. Là ils furent tous tués ou pris car il y avait beaucoup de Sarrasins dans cette ville sur les terrasses ou ailleurs qui leur lançaient des pierres ou tiraient à l’arbalète. Ensuite, les Sarrasins se rassemblèrent pour attaquer l’armée avec leurs lances. Mais selon la volonté de Notre Seigneur, le terrain resta chrétien. Les nôtres campèrent sur les lieux précédemment occupés par les Sarrasins. Nous construisîmes un pont sur le fleuve pour pouvoir rejoindre le premier campement. Le vendredi suivant les Turcs se rassemblèrent pour attaquer et assaillirent très durement les pélerins qui se défendirent vigoureusement. Le fils du sultan arriva ensuite avec de nombreux hommes ce qui accrut fortement les forces Turques.