L4 - Lettre de Odon de Châteauroux évêque de Tusculum à Innocent IV
Date : A Chypre le 31 mars 1249 (4 fêtes avant Pâques)
Auteur : Odon ( ou Eudes ) de Châteauroux
Edition utilisée : Spicileggium sive collectio veterum aliquot scriptorum qui in Galliae Bibliothecis delituerant, t. III, Lucas d’Achery pages 624-628 dans l’édition de Baluze et De la Barre Paris 1723.
Edition traduction : Personnelle
La présente lettre, adressée à Innocent IV, aurait pu prendre place parmi les documents citant Guillaume de Sonnac (son nom n'étant pourtant pas cité) puisque écrite pendant l’escale de Chypre en 1249. Je la place délibérément parmi les chroniqueurs car cette lettre fut une véritable source pour eux. Les chroniqueurs lui ont donné beaucoup d’importance. Elle ne nous est connue que par la transcription de Dom Luc d’Achery (1609-1695) et nous n’avons pas l’original qui aurait pu se révéler différent du texte qui nous est parvenu.
Odon de Châteauroux (né vers 1190 à Châteauroux – mort le 25 janvier 1273 à Orvieto) théologien et philosophe, abbé cistercien, doyen de l’université de Paris, fut nommé évêque de Tusculum (près de Rome), cardinal puis légat du pape à la demande de Louis IX pour prêcher la VIIème croisade. Il suivit les combats jusqu’à la retraite de Mansourah. Saint Louis refusa de revenir à Damiette avec lui en bateau pour ne pas abandonner l’armée aux mains des Sarrasins. Il nous reste 1077 sermons d’Odo de Châteauroux quelquefois appelé par erreur de Châtellerault par certains auteurs. Eudes de Chateauroux citait fréquemment de façon élogieuse les ordres militaires dans ses sermons. Deux sermons prononcés en 1251 ou 1252 à l'occasion de l'anniversaire de la mort de Robert d'Artois glorifient l'action de nos templiers à cette occasion « Prier et combattre » Fayard 2009 pages 342 et 343 et Alexis Charansonnet « Du Berry en Curie : la carrière du cardinal Eudes de Châteauroux (1190 ? - 1273) et son reflet dans sa prédication » Revue d'histoire de l'Eglise de France 86 2000 n°216 pages 5 à 37. Ou sa thèse « L’université, l’Eglise et l’Etat dans les sermons du cardinal Eudes de Châteauroux (1190 ? - 1273) - 2001 - lyon2 ».
Per idem tempus, Magister Militum Templi et Marescallus Hospitallis scripserunt Regi, quod Soldanus Babyloniae cum magno exercitu ad partes Gazae venerat ad conciliandum sibi Soldanos Halapiae et Damasci ; et timebant ne forte Joppen vel Caesarem intenderet obsidere. Postea etiam scripsit Regi idem Magister, quod quidam Admiraldus Soldani Babyloniae ad ipsum venerat, ut dicebat, nec litteras ejus habebat ; sed venerat ad inquirendum voluntatem Regis Franciae, quia dominus suus libenter cum eo pacem haberet ; et, ut dicitur a quibusdam, ad requisitionem dicti Magistri Soldanus ad ipsum miserat dictum Admiraldum ; quod factum valde Regi displicuit et omnibus Baronibus. Et incontinenti Rex per litteras suas inhibuit dicto Magistro, ne de caetero tales nuncios recipiat, vel cum eis colloquium habere praefumat sine mandato speciali ipsius. Dicebatur enim ab omnibus qui factum Syriae noverant, quod quantumcumque oppressi erant Christiani, nunquam primi faciebant verbum de treugis faciendis ; sed tunc primo quando a Turcis super hoc erant cum magne instantia requisiti ; et ideo quod dictus Magister primo verbum moverat de treugis, conditio Christianorum facta erat deterior ; et maxime, quia ex hoc Turci credere poterant quod Rex estimans se Turcis inferiorem viribus, festinavit, quacumque treuga inita, ad propria remeare …/…
En ce temps là, le Maître de la Milice du Temple et le Maréchal des Hospitaliers écrivirent au roi que Le Sultan de Babylone se dirigeait vers Gaza avec une grande armée pour se joindre aux Sultans d’Alep et de Damas et qu’ils craignaient qu’il n’essaye d’assiéger soit Jaffa soit Césarée. Par la suite le maître des Templiers écrivit au roi qu’un certain émir, selon ses dires, l’avait rencontré de la part du Sultan de Babylone mais sans mission officielle. Il venait connaître les intentions du Roi de France car son seigneur aurait volontiers fait la paix avec lui. Il se disait que c’était à la demande du Maître des Templier que le Sultan lui avait envoyé le dit émir. Ceci déplut fortement au Roi et à tous les Barons. Le Roi répondit aussitôt par lettres au dit Maître qu’il ne reçoive plus désormais de tels messagers ni qu’il assiste à des réunions avec les envoyés du Sultan sans un mandat express de sa part. En fait, que le Maître parle le premierde trêve empirait le sort des chrétiens et surtout à cause de cela, les Turcs pouvaient croire que le Roi s’estimant inférieur en hommes, s’empressait de conclure une trêve pour laisser les choses en l’état.../…
Eodem etiam tempore Marescallus Hospitalis intimavit Regi, quo Soldanus Babyloniae et Soldanus Halapiae cum indignatione recesserant ab invicem sine treugis ; et quod Soldanus Halapiae in proximo ad Regem nuntios mittere intendebat pro treuga facienda.
En ce temps là également le Maréchal des Hospitaliers fit part au Roi que les Sultans de Babylone et d’Alep se retiraient l’un après l’autre avec courroux sans avoir signé de trêve et que le Sultan d’Alep avait l’intention d'envoyer sous peu des messagers au Roi pour faire la paix.