La branche des Royaus lingnages
Date approximative : 1306
Auteur : Guillaume Guiart d'Orliens (Orléans)
Edition utilisée : « Recueil des historiens des Gaules et de la France » Tome XXII Daunou et Naudet 1870 pages 189 et 190.
Fiche Arlima ou CartulR : Arlima 1 Arlima 2
Voici un poème de 21 510 vers commandé par Philippe le Bel. Le manuscrit unique a été entre les mains de Du Cange qui en a fait don à la Bibliothèque Royale en 1687 . Il en avait édité 3000 vers à la suite de son Joinville. La première édition complète est de 1828 par Jean Alexandre C. Buchon. Le manuscrit unique est à la Bibliothèque Nationale fonds français n° 5698
Guillaume Guiart est né à Orléans, a été soldat, et blessé se met à rimer. Ses sources proviennent de saint Denis mais quelque fois à partir de chroniques qui n’existent plus. Le style de Guiart est loin de faire l’unanimité sauf à le rejeter mais il reste très personnel et enjoué. Il mourut comme chanteur et criblé de dettes.
Guiart fait allusion à l’altercation entre Guillaume de Sonnac et Robert d’Artois dans sa chronique rimée.
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Si homme de guerre aus espreuves
Se logent entre les II fleuves,
Si con chascun sa place seigne.
I Sarrazins puis leur enseigne
Près d’eus en Thanéos passage,
Dont il pourprennent le rivage,
Et qui courant ève et vive a.
La plus grant part de l’ost i va ;
Li remananz les loges garde.
Li quens d’Artois fait l’avant-garde ;
Sa route i passe la première,
Puis s’en vont amont la rivière.
Trompes sonnent, destriers hénissent
Sarrazins de l’Aumaçourre issent ;
Tout li mondes est là, ce semble.
Li quens d’Artois à eus assemble,
Qui périlleus fessel embrace ;
Veuillent ou non de champ les chace,
De sanc espandu les estraine :
Occis i est leur capitaine
Par les tentes, dont là a tant,
Les emmainent François batant,
Desquiez li floz maint en afronte,
Aucuns distrent lores au conte
Que trop grant folie feroit
Qui plus avant les chaceroit,
Et pourroit perdre grossement ;
Mès il iert de tel hardement
Qu’il ne voust onc croire parole ;
Ainz point après, l’escru acole
Aus dures colées escourre,
Entre aveuc eus en l’Aumaçourre.
Péchié fu, car puis n’en revint :
On ne sot onques qu’il devint.
Non pourquant aucuns devinèrent
Que Sarrazin l’emprisonnèrent ;
Autres en maintes places distrent
Que certainement il l’ocistrent.
Quant cil qui en la place furent
Le domage de lui connurent,
A leur povoir se recueillirent ;
Le roi saint Loïs attendirent,
Qui après eus le pas venoit,
O tel gent comme il amenoit
Pour grever les oz entredites.
Les nouvelles du conte dites
Et de la chace la manière
S’il ot douleur nul n’en enquière ;
Pis nel péust-on enerrer,
Lors fait sa gent plus tost errer ;
Et chascune eschièle s’avance,
Entalentez d’avoir venjance
De ce qui leur est avenu.
Cheminent tant qu’il sont venu
Endroit leur tentes, sus la grève
De l’autre partie de l’ève,
Où volontiers I pont féissent.
Sarrazin de l’Aumaçourre issent ;
Devant eus font leur ordenance.
Tantost, sans atendre, commance
(A qui que il doie desplaire)
L’un des oz contre l’autre à traire.
Sus Thanéos fu grant la noise,
El point que gent sarrazinoise
S’est devant François estendue.
Mainte arbaleste ot là tendue,
Maint chaillou cornu soupesé,
Et maint arc de cor entesé
Et d’autre manière ensemant.
Séaites volent druement,
Qui entrent là où èles fraient.
Arbalestiers de France traient
Quarriaus aguz de tel ravine
Qu’à force font gent sarrazine
(Si que nul ne s’en peut rescourre)
Réuser jusqu’à l’Aumaçourre,
Comment que trop en i apleuve ;
Puis se vont loger sus le fleuve,
Où l’endemain I pont compassent
Tuit cil de leur partie passent :
Là tendent les tentes faitices ;
Puis environnent l’ost de lices.
10125 Sarrazin qui grever les reuvent,
Au vendredi matin s’esmauvent
Leur tourbe huant se desserre ;
Près des tentes les vont requerre
Par divers bastons qu’il débaillent ;
Et François à l’encontre saillent.
Tant en ocient et crabacent
Qu’à l’Aumaçourre les rechacent
Sans termine de mois ou d’an.
Adont vint le filz au soudan,
Qui grant fiertise démena.
Tel planté de gent amena
Que par les lieus où il issoit
Tout le pais en frémissoit.
François maintes foiz assaillirent,
Mès touzjourz plus d’eus i perdirent ;
Car cil fièrement se maintaindrent.
Si longuement les contretindrent,
A batailles dures et grandes,
Qu’il n’orent mais nules viandes.
Par raison de ceste soufrète
Se resmurent vers Damiète,
Où lors séjournoit la réyne.
Les soldats éprouvés
campèrent entre les deux rivières,
là ou chacun avait marqué sa place.
Un Sarrasin leur montra tout proche
un gué sur le Thanéos,
ils s’en approchèrent
mais le courant y était très fort.
La majeure partie de l’armée s’y engage,
les autres gardant les tentes.
L’avant-garde est assurée par le comte
d’Artois qui passe le premier,
puis ils remontent la rivière.
Les trompettes sonnent, les chevaux
hénissent, les Sarrasins accourent sortant
de la Massoure on dirait que le monde
entier est là. Le comte assemble ses gens
pour lancer une attaque périlleuse ;
qu’ils le veuillent ou pas, ils sont chassés
de la place, subissant le baptème du sang :
leur capitaine est tué sur place
les Français affrontent le flot
immense, en les poursuivant
parmi les nombreuses tentes.
Quelqu’un dit alors au comte
que ce serait de la folie
que de les chasser plus avant,
qu’on avait beaucoup à y perdre ;
mais sa hardiesse est telle
qu’il ne veut pas en entendre mot ;
ainsi s’élance t’il, l’écu paré,
en lançant de rudes coups,
il entre avec eux dans la Massoure.
Ce fut un péché car il n’en revint pas :
Jamais on ne sut ce qu’il en advint.
Quelques uns pensèrent pourtant
que les Sarrasins l’avaient capturé ;
d’autres dirent partout
qu’ils l’avaient surement tué.
Quand ceux qui étaient entrés avec lui
surent ce qu’il lui était arrivé,
se défendirent comme ils pouvaient ;
ils espéraient que le saint roi
qui passait au même endroit qu’eux,
pourrait avec tous ses gens
combattre les armées ennemies.
Quand annonça au roi les nouvelles
du comte et comment cela s’était passé,
personne ne lui demanda s’il en fut affligé
on ne pouvait l’affecter plus péniblement,
alors il fit accélérer les troupes ;
chaque corps de troupe s’avance,
mus par le désir de se venger
de tout ce qui leur était advenu.
Ils retournèrent par le même chemin
à leurs tentes près du rivage
de l’autre coté de la rivière,
et y construisirent un pont.
Les Sarrasins sortirent de la Massoure
et se mirent en ordre de bataille.
Puis les armées commencèrent
(à qui cela déplaisait-il)
à charger l’une contre l’autre.
Il y eut grand bruit sur le Thanéos,
à tel point que la gente Sarrasine
fut arrètée par les français.
Combien d’arbalètes ont-elles été tendues
de caillous anguleux soulevés
d’arcs de corne bandés
et toute autres armes utilisées.
Les lances volent serrées
perçant là où elles touchent.
Les arbalétriers français tirent
leurs carreaux avec une telle rapidité
qu’à force la gente sarrasine
(personne ne pouvant les secourir)
recule dans la Massoure,
qui regorgea de fuyards ;
Puis ils se logent au bord du fleuve,
où le lendemain ils ajustent un pont
avec lequel toute l’armée traversa :
là les tentes sont bien tendues ;
puis ils s’entourent de palissades.
Les Sarrazins désirant leur faire du tort
attaquent le vendredi matin
et par assauts successifs
vont les chercher près des tentes
en leur lançant des traits de toute sorte ;
les Français leur font face
et en renversent ou en tuent tant
qu’ils les repoussent dans la Massoure
à l’instant même sans perdre de temps.
Alors le fils du soudan arriva,
tellement fier
et accompagné d’une telle suite
que partout où il passait
tout le pays en frémissait.
Maintes fois ils assaillirent les Français,
chaque fois ils perdaient plus d’hommes ;
vaillamment les nôtres se maintenaient.
Ils les tinrent en respect si longtemps,
qu’à force de dures et grandes batailles
la viande vint cruellement à manquer.
En raison de cette disette
ils retournèrent vers Damiette,
là où la reine séjournait alors.