CHAMPAGNE
Comté de Champagne, de Rethel, de Porcien
Comté de Joigny, de Bar
Seigneurie de Joinville et Evêché de Langres
Comté de Rethel
- A - Fossé de Sauné, 08390 Le Mont-Dieu :
Fossé dans la forêt domaniale du Mont Dieu. Au pied du Mont Dieu est une très belle Chartreuse classée du XVIIème fondée par Odon abbé de St Rémi en 1132. Saint Bernard y séjourna de 1139 à 1141, le pape Eugène III en 1148 et Thomas Becket en 1164. La forêt domaniale où est implanté ce fossé ne fait pas face à la frontière entre la France et l'Empire par rapport à l'emplacement de la chartreuse. Il serait donc abusif d'y voir une influence de la présence de Thomas Becket en ces lieux.
Il faut par contre se reporter à l'histoire de Mouzon 08210 (page 250 et suivantes), sur l'autre rive de la Meuse donc coté germanique, pour comprendre que ce site puisse être antérieur à la Chartreuse et être attribué à Hugues le Grand entre 925 et 947. Voir Lorraine n°1.
Carte; Hypothèse d'affectation : Hugues le Grand; Verdun
Comté de Porcien
Entre Son et Chappes se dresse la ligne de crête des Ardennes qui relie les deux forteresses principales du puissant et ancien comté de Porcien. Ces châteaux sont : Château-Porcien, capitale du comté et Chaumont-Porcien, hauteur sur laquelle a été établi le monastère de Saint Berthauld. Le nom de Son provient surement de ces hauteurs, Son signifiant alors "sommet". Cependant nous sommes aussi sur la frontière avec la Lotharingie (croix rouge ci-contre) et Louis d'Outre-Mer, après la prise de Laon en 936, s'est réfugié en Angleterre puis dans le Porcien pour y combattre Hugues et Herbert de Vermandois. Or Louis était le fils de la princesse Anglo-saxonne Edwige de Wessex et était marié à une princesse ottonienne, Gerberge de Saxe. Autant dire s'il était au courant des méthodes de guerre saxonnes.
Carte; Hypothèse d'affectation : Louis IV d'Outremer
Comté de Champagne
Avant de reprendre notre périple, il est important d'évoquer ici la grande bataille des Champs Catalauniques en 451. En effet, un contingent de Saxons provenant de la région de Bayeux ou, plus probablement, chassés de leur pays par Attila participaient à l'aile droite du patrice Ætius. On ne sait pas où se déroula exactement cette bataille mais on sait que c'était près de Troyes. le site n°8 est très proche de l'hypothèse Dierrey-Saint-Julien. Les sites 6 et 7 sont proches de l'hypothèse Méry-sur-Seine
Horle, en Champagne du sud-ouest désigne le talus qui délimite un champ. Quant à Son, nous sommes tout près de la fameuse "cote 108" du chemin des Dames. Mais sans s'approcher aussi près de l'époque actuelle, nous sommes aussi sur la frontière éphémère entre le royaume de Soissons et celui de Reims en 581 et, plus récent, entre le comté de Champagne et le comté de Roucy (de 950 à 1767). Là nous rencontrons un nouveau personnage digne d'un roman pas encore écrit : Ragenold de Roucy. Ragenold (ou Renaud †963) connu par "Historia ecclesiæ Remensis" de Flodoard, est un viking de pure souche appelé par Charles le Simple (le père de Louis IV) à son secours contre Raoul de Bourgogne et Herbert de Vermandois. Ragenold se convertit, devient l'ami de Louis IV après 944 et de l'archevêque de Reims Artaud. Il épouse la belle-fille de Louis IV Albérade de Lotharingie, reçoit de sa part le comté de Roucy et le fait avoué de Reims. Il est le médiateur entre les deux beaux-frères Louis IV et Hugues le Grand. Il est donc certain que le comté de Roucy a été fortifié à la mode normande et saxonne. Je pense que dans la dénomination du site, le mot Botte était à l'origine Butte et que Horle Botte Son signifiait : "fossé autour du sommet de la butte" car le site cotoie une petite colline à la cote de 102m sur une plaine à 75m. Ce fossé était alimenté en eau par la Loivre. Voir aussi Ile-de-France n°a.
Carte; Hypothèse d'affectation : Hugues le Grand
Nous n'évoquerons pas une frontière éventuelle du duché de Dentelin à cause du voisinage de la rivière de Thérouanne (éthimologiquement la rivière au taureau) homonyme de la commune du Pas-de-Calais, autrefois pays des gaulois Morins. Ce duché mythique a pu s'étendre au maximum jusqu'à l'Oise vers Noyon mais pas au-delà. La Pierre à Son est sur les hauteurs qui dominent la rive droite de la Marne, proche de la ville de Meaux. La voie romaine Lutèce-Reims passait précisément à cet endroit. La région de Meaux fut longtemps dévastée par les Vikings et Meaux occupé en 852, 861, 886 et 887.
Le site a un positionnement semblable au précédent, surplombant la rive droite de la Marne au dessus de la Ferté sous Jouarre à la place de Meaux pour le n°3. Comme Meaux, la Ferté était défendue par une puissante forteresse. Le seigneur de la Ferté était vassal de celui de Meaux. On peut éventuellement affecter ces deux sites à Louis II le Bègue fils de Charles II le Chauve en tant que comte de Meaux de 862 à 877.
Hypothèse d'affectation : Louis II
Il existe aussi un petit Sonnot mais non connu dans Géoportail. Rien de spécifique pour ce site au bord de la Marne sans position de guet ni forteresse associable.
Hypothèse d'affectation : Sans intérêt
Chaque champ à ici un nom, celui-ci est au sommet de la colline parmi les éoliennes ce qui explique son nom.
Hypothèse d'affectation : Autres toponymes
Là aussi, chaque champ a un nom. A coté de la Voie Saunière il y a un lieu dit "La Motte" qui en fait est sur le plateau en vue de deux châteaux sièges de seigneuries situées au bord de l'Aube : Arcis et Ramerupt. Ces deux seigneuries appartenaient au même seigneur depuis Hersende (avant 956) et devaient communiquer entre elles par cette Motte située à mi distance mais plus haut. En 1033 le seigneur est Hilduin IV de Montdidier comte de Montdidier (dans la Somme), d'Arcy, de Ramerupt et de Roucy par son mariage avec Alix de Roucy descendante du Viking Ragenold rencontré au n°2. On pense aussi que Hilduin IV est apparenté aux plantagenets Geoffroy III (1040-1096) et Foulques IV (1043-1109). Ebles II de Roucy soumet l'église Notre Dame de Ramerupt à l'obédience de Marmoutiers de Tours en 1081 ! en 1076 Il guerroie en Espagne auprès de son neveu Rotrou III du Perche, un proche d'Henri Beauclerc, ennemi des Bellême et des Gouët (voir Perche). Voir aussi Ile de France n°5 et a.
Les découvertes archéologiques proches sont impressionnantes : un Apollon en bronze à Vaupoisson et une tombe Wisigothe, avec un trésor exposé au musée Saint Loup de Troyes, dont un scramasaxe, attribuée à Théodoric Ier trouvé au Martray près de Pouan-les-Vallées à 11 km du présent site. C'est cette découverte qui fait supposer que l'on pourrait être proche des Champs Catalauniques (voir introduction)
C'est effectivement une longue vallée sèche entre Pâlis et Mesnil-Saint-Loup. Elle est proche de l'ancienne voie romaine Sens-Troyes et sur la route templière Payns, Mesnil-Saint-Loup, Villemaur (et sa Mothe), Rigny-le-Ferron (et ses forges), Coulours (et sa commanderie). Il semble bien que cette vallée appartenait à la commanderie de Mesnil-Saint-Loup et que son nom vienne tout simplement des troupeaux qui y paissaient.
Hypothèse d'affectation : Autres toponymes
Contrairement au site précédent, nous ne sommes pas au fond d'une vallée mais plutôt au sommet du plateau. Les seules vallées possibles sont les combes peu marquées qui descendent du bord du plateau au village de Maraye. Pierre Sonnette était peut être le propriétaire des champs sur le plateau. Maraye était dans le fief de Villemaur (n°précédent). A part la limite de la commune, il n'y a pas de frontière à cet endroit.
Hypothèse d'affectation : Sans intérêt
- b - Les Sonneries, 10320 Javernant :
Contrairement à beaucoup d'autres sites de Champagne, voici deux sites très marqués géographiquement et historiquement pour notre recherche.
Géographiquement d'abord, Sonnaille de Saint-Phal devait être situé un peu plus haut à la cote 292 (les exemples de léger décalage d'emplacement de lieux-dits sont nombreux). De ce point élevé au dessus de la voie romaine Auxerre-Troyes (voie d'Antonin ou via Agrippa de l'océan) on pouvait voir tout ce qui arrivait de l'oppidum d'Eburobriga à Avrolles (lieu de passage de l'Armançon). L'information recueillie était transmise aux Sonneries de Javernant situées sur une crête du mont Savoir au dessus de Javernant. Les Sonneries étaient directement en vue de la prestigieuse abbaye de Saint Pierre de Montier-la-Salle aux portes de Troyes. Je dis prestigieuse en raison de ses protections royales depuis Clovis II, de son origine en 650, et de son rayonnement avec son école monastique à l'origine des créations de Molesmes, de Citeaux et de Clairvaux.
Historiquement puisque Boson V, que nous avons rencontré en Daupiné n°A et 2, demanda en 877 à Charles II le Chauve de donner la forêt de Javernant à l'abbaye de Montier-la-Celle : " silvam quamdam que cognominatur Drosilonis seu Javernandus que aspicere visa est ad villam que Juviniacum nuncupatur" "Une certaine forêt connue sous le nom de Drosilon ou de Javernant proche de la Villa de Javernant". L'emplacement de ces deux sites explique bien l'intention de Boson de faire assurer la sécurité de la ville de Troyes, dont il avait reçu l'administration de Charles le Chauve en 870, par les moines de l'abbaye.
Carte 1; Carte 2; Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve
Comté de Joigny
- c - Le Sornas, 89210 Bellechaume :
En lisière de la forêt d'Othe, au dessus de la vallée de l'Armançon, Le Sornas est un lieu de guet bien placé. En face du château de Saint-Florentin (notre fameux Eburobriga voir n° b ci-dessus), le site marquait la frontière nord-est du comté de Joigny. Il est fortement probable que le premier comte de Joigny Geoffroy avéré en 1080 soit (comme au n°7) de la famille de Geoffroy II Ferréol de Gâtinais père des comtes d'Anjou Geoffroy III et Foulques IV
Saint-Florentin ci-dessus était tenu par Joigny du comte de Champagne qui avait des vassaux très proches à Champlost et Venizy. Brienon-sur-Armançon était propriété personnelle de l'archevêque de Sens depuis St Loup. Sennevières, aux portes de Brienon était donc la première possession indiscutable du comte de Joigny sur la valée de l'Armençon.
Voir aussi le site Duché de Bourgogne n°o qui était aussi rattaché au comté de Joigny.
Ex-Comté de Sens
Le comté de Sens n'existe plus depuis 1055, date à laquelle il est intégré au domaine royal. C'est la toute première expansion du domaine royal au dépend de la féodalité. Elle est réalisée par la récente dynastie capétienne en la personne de Robert II le Pieux fils d'Hugues Capet. Ce comté est issus du pays celte des Sénons dont la capitale était Agendicum, Sens. Les Sénons ont été une grande peuplade gauloise qui a même conquis Rome en 390 avant Jésus Christ. Les Sénons et les Séquanes qui leur sont probablement apparentés ont été à l'origine de toponymes qui ont ressemblé à notre radical "SEN". C'est notamment le cas en Franche-Comté n°3 et 4. C'est la raison pour laquelle n'ont pas été retenus pour notre étude les nombreux sites ayant pour racine "Sein". Pour une étude plus approfondie de la question, nous renvoyons à nouveau à la remarquable annexe à une étude sur le siège d'Alésia traitant de l'origine du peuple Séquane réalisée par Arnaud Lerossignol en novembre 2008.
Seigneurie de Joinville
- e - Forêt de la Saunoire, 52230 Sailly :
On dit aussi Saune Noire. C'est le point culminant à l'est de Joinville dont dépendait Sailly. On extrayait du minerai de fer dans cette forêt qui était traité dans les forges de Noncourt-sur-le-Rongeant. La frontière nord-est de la seigneurie est en vue mais elle a pu être plus proche car Joinville est théoriquement sur la frontière France-Empire fixée à cet endroit sur la Marne. Le plus ancien seigneur de Joinville est Etienne de Vaux (~1020~1027). Il épouse une fille d'Engelbert III de Brienne et d'Alix de Sens. Geoffroy III (1137-1188) reçoit le titre de sénéchal de Champagne et Geoffroy V (1190-1204) part en croisade avec son père et prit parti pour Richard Cœur de Lion qui récompensa son courage en lui permettant de briser ses armes (celles de Broyes) du lion plantagenêt. C'est peut être au contact de Richard Coeur de Lion que Geoffroy V de Joinville aura appris comment organiser le guet aux frontières de son domaine.
Une autre piste pourrait résulter du mariage de Geoffroy III de Joinville avec Félicité de Brienne dame de Ramerupt et de Broyes (voir Champagne n°7 et h).
Carte; Hypothèse d'affectation : Richard Cœur de Lion; Verdun.
Il aurait pu s'agir de la route partant du Saulnois et se dirigeant vers Troyes et ses fameuses foires de Champagne pour y apporter la précieuse cargaison de sel, mais la direction de la rue dont il s'agit ne correspond pas du tout à ce programme. Par contre nous sommes sur la frontière sud-ouest de la seigneurie de Joinville car Villiers-aux-Chènes, Doulevant-le-Château, Dommartin-le-Saint-Père et une partie de Courcelles-sur-Blaise appartenaient à la seigneurie de Joinville contrairement à Blumeray, Sommevoire (et sa fonderie) et Mertrud. La voie Saunière qui longe la Blaise est donc bien un chemin qui longeait la limite de la seigneurie entre Dommartin et Doulevant.
Nous ne quitterons pas la seigneurie de Joinville sans évoquer le chroniqueur de Louis IX Jehan de Joinville qui a connu personnellement Guillaume de Sonnac. Voir chroniques R.
Vicomté de Bar-sur-Aube
- g - Soncourt-sur-Marne, 52320 Soncourt-sur-Marne :
On sait très peu de choses sur la vicomté de Bar-sur-Aube avant 1256. Le village de Soncourt dépendait du château de Vignory et Vignory du comté de Bourgogne jusqu'à la fin du XIIème siècle puis du comté de Champagne ensuite à une époque où la vicomté n'existait plus. Cette dépendance au comte de Bourgogne est au détriment de la seigneurie champenoise de Chaumont pourtant plus au sud. Le basculement est dû à la guerre de succession de Champagne que nous avons vu en Bourgogne n°7. Les premiers noms de Soncourt sont : Secundi Curtis en 1050, Suncort, Suncurt puis Soncor. Le suffixe "son" provient donc de la déformation du mot latin secundus - second.
Hypothèse d'affectation : Autres toponymes
Evêché de Langres
- h - Le Saulnier, 52210 Cour-l'Evêque :
Voici un lieu qu'il va être difficile de classer historiquement et géographiquement.
j'ai placé historiquement le site dans l'évêché de Langres en raison de la création de cet évêché par Saint Grégoire comte romain d'Autun puis évêque de Langres de 506 à 539. En 834 il appartient toujours à l'évêché. Vers 1090 Adèle de Valois est dame de Chateauvilain (ci-contre) et Arc-en-Barrois (de chaque coté de Cour-l'Évêque) elle épouse Barthélémy de Broyes (1032-1081). En 1178 Cour-l'Evêque fait partie du douaire donné par Hugues III de Châteauvilain-Broyes à Isabeau de Dreux sa seconde femme. En 1189, Hugues III se brouille avec son suzerain champenois Henri II qui détruit son château de Broyes (bâti en 1160, date que nous retiendrons pour le site). Cour-l'Evêque est alors racheté par l'évêché en 1206, puis est rattaché au marquisat d'Arc vers 1578 pour finalement être réuni au duché-prairie de Châteauvilain jusqu'à la révolution. L'utilisation de Saulnier pour défendre Cour-l'Evêque ne peut pas être imputé à la famille de Bar ni à la famille de Savoie car c'est trop tôt. Elle ne peut qu'être imputée qu'à Isabeau de Dreux pour défendre son douaire. Voir Ile de France n°f et g.
A noter que la famille de Broyes est très liée aux Roucy-Ramerupt, aux Dreux et aux Montlhéry suite à de nombreux mariages, familles ayant déjà utilisé les défenses saxonnes. Voir Ile de France n°5 et a; Champagne n°7; Bourgogne n°1.
Géographiquement la situation est également compliquée, la province de Bourgogne faisant un crochet à cet endroit dans la province de Champagne. Le Saulnier est à 500 m de la frontière mais finalement coté Bourgogne (en 1789). Une frontière c'est sûr, entre la seigneurie de Châteauvilain et l'évêché de Langres c'est clair, entre Champagne et Bourgogne c'est certain ... mais quand ?
Nous ne quitterons pas Châteauvilain sans évoquer le site de Montsaôn près de Chaumont et son surprenant oppidum qui n'est pas ressorti lors du choix des sites à étudier mais qui aurait pu être retenu. Près d'une voie romaine le site s'est révélé être un cimetière d'envahisseurs retranchés de l'époque mérovingienne. Y ont été trouvés quelques scramasaxes. Le Montsaôn se trouve près de l'aéroport de Chaumont à mi distance entre Châteauvilain et Chaumont. La légende prétend que "saôn" viendrait du "sang" versé par César blessé. Nous sommes en fait sur un point de frontière névralgique figuré par un x vert sur la carte du n°1 ci dessus : c'est le nord du royaume Burgonde , le sud de l'Austrasie et la pointe est de la Francie occidentale. Les tensions y ont commencé entre le royaume Burgonde et la Neustrie de 476 à 531. Puis entre le royaume de Bourgogne et l'Austrasie de 561 à 751 (sauf quelques phases de réunification des royaumes Francs) pour finir par les guerres féodales entre les comtés de Champagne, le duché de Bourgogne et le duché de Lorraine (ou comté de Bar).
Le site est sur une des élévations du grand plateau qui borde la ville de Langres. Sur le bord du plateau, entre deux restes de forts Vauban, on a re-découvert des constructions en pierres sèches faites par les élèves du séminaire de Langres au XIXème, Deux escargots, un amphithéatre et la chapelle de Chardonville. Son est ici manifestement pris dans le sens de sommet.
Hypothèse d'affectation : Autres toponymes
(ex) Comté de Bassigny
Nous allons conter ici l'histoire d'un comté fantôme dont l'existence a soigneusement été effacée de l'histoire de France par Mazarin en 1645 avec la destruction de la Mothe-en-Bassigny.
Du temps des celtes gaulois, le pays de Bassigny était habité par les Lingons. Les romains y font passer la frontière entre les Lingons et les Leuques et César la prend comme délimitation entre la Gaule Celtique et la Gaule Belge. le pays fut ensuite envahi par les Alamans puis intégré au royaume Burgonde vers 460. Les Francs mérovingiens le disputent aux Francs rhénans en 534. En 587 le traité d'Andelot y fixe la frontière entre Burgondie et Austrasie. Au VIIème siècle, le Bassigny forme une seule province avec le Bolenois et l'Ornois, dirigée par Gondoin fortement opposé à Pépin de Herstal. Au VIIIème siècle le comte est Saint Gengoul (702-760) baron Bourguignon. en 843, au traité de Verdun, la frontière devient nord-sud et le comté formé du Bassigny, du Bolenois et du Barrois de l'Aube est intégré à la Lotharingie. En 880 il est rattaché au duché de Bourgogne. en 936 le Bassigny est conquis par Hugues le Grand, perdu et à nouveau soumis au duc de bourgogne Hugues le Grand. Jusqu'en 1005, les comtes nous sont connus. Ensuite le Bassigny est en partie conquis par le comte de Bar soit par mariage (Renaud II et Agnès de Champagne) ou par guerres (succession de Champagne en 1197). Cette partie appelée Barrois Mouvant était composée au XVIIIème des prévôtés de La Mothe, Bourmont, Conflans, Châtillon, la Marche, Gondrecourt et Saint-Thiébaut. Le Bassigny a donc fait partie dans son histoire alternativement de la Bourgogne, de la Champagne et de la Lorraine. C'est un pays de marche entre trois grandes puissances, première explication du mot "trois" de notre site.
En 1258 Le comte de Bar Thibaut II fortifie un promontoire qu'il vient de conquérir à la seigneurie de Joinville. La place est si bien choisie qu'elle va devenir de nombreuses années plus tard la ville la plus défendue de Lorraine après Nancy. Pendant la guerre de trente ans, en 1634, malgré ses 4000 soldats en défense, Richelieu emporte la ville au terme de 141 jours de siège. Rendue à la Lorraine, Mazarin finit par raser la place en 1645 après 205 jours de combats impitoyables. L'indépendance de la Lorraine est brisée préparant l'intégration définitive au royaume en 1766. La Mothe-en-Bassigny se situe près d'Outremécourt au bord du Mouzon.
Proche de la Mothe-en-Bassigny (flèche rouge) se trouve le château de Bourlémont (flèche verte) dont dépendait Vaucouleurs et le village natal de Jeanne d'Arc Domrémy-la-Pucelle. Comme Jeanne était sujette du duché de Bar, on en déduit que les seigneurs de Bourlémont étaient à l'époque vassaux du comte de Bar. En 1215, Joffroy de Brixey de Bourlémont (~1210-1268) épouse Sibylle de Saulxures amenant ce village au comté de Bar. On retrouve d'ailleurs Saulxures (flèche bleue) dans les possessions du duché au XVIIIème. C'est à cet endroit que se situe notre site des trois Senailles.
Une seconde explication géographique de notre mot "trois" se trouve dans le fait que tout proche (6 km), au lieu dit les Marchais se trouve un point géographique particulièrement remarquable puisqu'une goutte d'eau qui tombe à cet endroit peut couler vers la Méditerranée en empruntant la Saône, vers la Manche par la Marne ou vers la mer du Nord en suivant la Meuse.
Pratiquement au même endroit, des fouilles ont permis de mettre à jour une nécropole mérovingienne et une villa romaine conséquente avec des thermes privés. Un temple à Mercure devait se trouver sur le mont du même nom juste au dessus. Nous sommes en effet tout proche de la voie romaine de premier ordre, la voie Agrippa Lyon-Cologne qui permettait de relier la Méditerranée aux Limes du Rhin. Cette voie passait d'ailleurs au pied de la Mothe-en-Bassigny plus au nord. Cette même voie passe, à l'endroit de notre site, au pied d'un mont qui la surplombe, le fort de Dampierre. Ce fort de 1878 portant le nom de Pierre Magalotti, neveu présumé de Mazarin tué lors du siège de La Mothe occupe un point géographiquement stratégique et a fatalement été fortifié au détriment d'emplacements utilisé dans des temps plus anciens. Ce fort nous fournit la troisième explication que nous retiendrons pour définitive concernant notre site. En effet, les concepteurs de cette fortification se targuaient d'être en communication optique par le mont des Fourches (sur la commune de Lamarche, une autre possession du comte de Bar, flèche marron), avec le fort (proche du château éponyme) de Bourlémont. Voilà donc nos trois "Senailles" : Fort de Dampierre (bleu), Mont des Fourches (marron) et fort de Bourlémont (vert). "Senaille" désigne donc bien des postes de guets destinés à transmettre les alertes. Le toponyme doit dater de la période pro anglaise de Thiebaut II de Bar que nous fixerons à 1293, date du mariage de son fils Henri III avec Aliénor d'Angleterre. Du haut de la combe des trois Senailles, on peut apercevoir les trois sommets qui portent les "Senailles".