COMTE de BIGORRE
Ce col des Pyrénées est ainsi appelé puisque traversé pour la première fois par Vincent Cénac en 1892. Près du col de Cénac se trouve le Port de la Peyre-Saint-Martin qui a été souvent emprunté par les routiers de Lourdes (voir n°-2) pour se rendre en Aragon et de là en Navarre et en Castille ou même en Catalogne.
Hypothèse d'affectation : Autres toponymes
C'est du fier château de Lourdes que viennent nos différents "Sénac" de Lavedan, Comminges, Astarac, Guyenne, Quercy et Rouergue, colorés en vert pour mieux les reconnaître. Le Lavedan est composé de sept vallées hérissées de châteaux dont les seigneurs étaient fiers de leur indépendance. Ces sept vallées communiquent entre elles mais l'entrée se fait à Lourdes par un goulet étroit défendu par l'impressionnant château de Lourdes. Le Neez forme un confluent avec la vallée principale du Gave de Pau avant de s'engager dans un second goulet où se trouve le pont de Sénac, non loin du château du Castéra à Ger. Le site commandait donc tout accès dans la vallée de l'Estrem de Castelloubon dans laquelle se trouve le château de Beaucens où résidait le vicomte (Arnaud III et IV ou Raimond Garcie VI). Tous les châteaux de Lavedan communiquaient entre eux par signaux lumineux Arcizans, Arras, Beaucens, Le Castéra, Les Angles étaient tous au courant à la moindre alerte.
En 1362 Edouard III reçoit donc les terres que lui octroie le traité de Brétigny en échange de la libération de Jean II le Bon. Edouard nomme en 1362 son fils Edouard surnommé le Prince Noir comme prince d'Aquitaine. Il le restera jusqu'en 1372 et fit de Lourdes une de ses résidence favorite quand il n'était pas à Bordeaux. Pour garder le château de Lourdes il nomme deux de ses fidèles Gascons, Pierre-Arnaud de Béarn et son frère puîné Jean, cousins naturels de Gaston-Fébus de Foix. Le prince Noir leur confie également l'ensemble de la Bigorre. Vers 1370, après la perte de la Bigorre défendue vaillamment par le Captal de Buch, Jean III de Grailly, les deux frères se rapprochèrent de leur puissant cousin Gaston-Phébus dont Pierre-Arnaud devint un des principaux capitaines. Le château de Lourdes gardé par Jean devient alors le refuge des routiers anglais, ceux qui avaient hérité des méthodes de défense plantagenaises enseignées par le Prince Noir.
Jean gardera le château de Lourdes jusqu'en 1407 et se réfugiera ensuite près de Charles III de Navarre.
Les quatre sites qui viennent sont manifestement créés pour la défense de Tarbes, capitale de la Bigorre et siège du château comtal (totalement détruit). En 1300, dans l'optique d'annexer la Bigorre, Philippe le Bel a commandé une vaste enquête pour mieux connaître la valeur du comté. Dans cette enquête, Senaco est déjà cité comme existant. Nos Sénac au moins en Bigorre sont donc antérieurs à l'an 1300.
Le site est très bien situé en hauteur avec la surveillance de la vallée de l'Adour, aval et amont. Il est actuellement sur la limite entre le département des Hautes-Pyrénées et celui du Gers qui est proche de la frontière à l'époque entre Bigorre et Armagnac, ces derniers étant des ennemis ancestraux. Mais continuons avec les sites suivants avant de présenter une hypothèse.
Carte; Hypothèse d'affectation : Edouard Ier.
Sénac touche pratiquement Trie-sur-Baïse. Trie est à la frontière entre la Bigorre et l'Astarac qui est resté Français pendant presque toute la guerre. Trie est une bastide créée en 1323. Trie a été détruite une première fois lors de la chevauchée du Prince Noir en 1355 puis quatre fois de suite par les routiers en 1370 (voir n°i). Le fait que ce Sénac soit au pied des fortifications nous fait penser qu'il a dû précéder la création de la bastide avant 1300, comme le site précédent.
Carte; Hypothèse d'affectation : Edouard Ier.
Le site matérialise la pointe de la Bigorre qui s'avance entre le comté d'Astarac et le comté de Comminges. Par contre, Sénac est situé en plaine au bord de la Petite-Baïse. Le sommet juste adjacent aurait mieux convenu. Son nom est Haguet, peut être en liaison avec la fonction de guet. Le village de Puntous, auquel il devait rapporter, est mieux perché et attesté en 1153.
Carte; Hypothèse d'affectation : Edouard Ier.
Ce dernier site autour de Tarbes est situé à la frontière avec le comté de Comminges, autre ennemi de la Bigorre. Bien situé en bord de plateau au dessus du ruisseau du Coustaus. Libaros n'est pas attesté avant 1383. Voici donc brossées les frontières de la Bigorre autour de sa capitale de Tarbes. Maintenant, recherchons qui et quand, proche des Plantagenêts, avant 1300 a pu mettre cette stratégie au point.
Nous renverrons le lecteur à la gestion on ne peut plus compliquée de la crise dite de succession de Bigorre de 1255 à 1302. En 1283, après bien des vicissitudes, la comtesse de Bigorre est Laure de Chabanais mais elle est fortement contestée par Gaston VII de Béarn. Elle en appelle à Edouard Ier qui fait occuper alors le comté de Bigorre par son sénéchal Jean Ier de Grailly. Laure en appelle alors à Philippe le Bel qui se saisit de la Bigorre en 1292. Les Anglais ne reviendront qu'après 1360 pendant la guerre de cent ans.
C'est donc à ce grand capitaine qui fut aussi sénéchal de Jérusalem que l'on doit les Sénac de Bigorre juste après 1283. Son petit fils Jean III, Captal de Buch reprit la tradition de son grand-père en implantant d'autres Sénac en Gascogne et Guyenne (voir n°-2).
Carte; Hypothèse d'affectation : Edouard Ier.
Comté de Comminges
En 1152, le comté de Comminges appartient à Henri II Plantagenêt du fait de son mariage avec Aliénor d'Aquitaine. De Carbonne jusqu'à Muret aux portes de Toulouse une avancée du comté de Comminges présente une frontière commune avec le comté de Toulouse. C'est dire si Carbonne et Muret importaient à Henri II puis Richard Coeur de Lion compte tenu de leur désir de reconquête des terres de la grand-mère d'Aliénor, Philippa de Toulouse. En 1185, une alliance (p.11) entre Henri II, Alphonse II d’Aragon, Roger II Trencavel, Guilhem VIII de Montpellier et Bernard IV de Comminges est organisée à Najac contre le comte de Toulouse Raymond V. C'est à Muret qu'a eu lieu en 1213 la célèbre bataille de Raymond VI contre Simon IV de Monfort, la mort de Pierre II d'Aragon, et la défaite qui annonce la fin du Catharisme.
Le château de Carbonne dans une boucle de la Garonne a été plusieurs fois détruit. Sauné, un peu plus en amont, ne présente pas un lieu spécifique pour le guet, mais, avec une tour un peu élevée protégée en terrain marécageux, on pouvait y surveiller, pour le compte du château de Carbonne, le castrum de Marquefave, coté rive droite et l'activité du bac qui traversait la Garonne. En fait Carbonne est en Languedoc mais appartenait en 1180 au comté de Comminges.
C'est une véritable ligne de fortifications qui suit la frontière de Comminges le long de la Garonne. On peut suivre cette frontière avec les ruines des châteaux et les dénomination Sauné(s) : Château de Roquefort sur Garonne, Saunés de Mondavezan, château de Saint-Elix-le-Château (si un château médiéval a bien précédé celui que nous connaissons), Carbonne, Sauné de Carbonne (n°C).
Mondavezan est situé sur un coteau surveillant la Garonne vers le sud. Le Saunés qui lui est associé est à l'autre extrémité du coteau et regarde vers le nord-est, vers Saint-Elix-le-Château, il complète bien notre ensemble fortifié. En tant que seigneurie, Mondavezan devait posséder un château. A l'autre extrémité du coteau, au sud, il y avait un petit château à Sana vieille cité antique qui autrefois s'est aussi appelée Seners sur des actes notariés du XVIème.
Bien qu'étant très proche de la frontière entre le comté de Comminges et le Comté de Couzerans, il semble que l'on soit plutôt ici en présence d'une mésentente entre deux baronnies au sein du comté de Comminges. Il s'agit de la seigneurie d'Aspet attestée depuis 1068 et dont le seigneur Arnaud II s’embarqua avec Philippe-Auguste à Gênes en 1190 pour la troisième croisade et non avec Richard Coeur de Lion son suzerain. Nul doute que ce fait était de nature à aviver des tensions avec la région de Salies-de-Salat et son château comtal qui avait dû rester fidèle au Plantagenêt. Un lieu-dit "Bataille" proche de Sauné semble confirmer notre approche. Sauné est au dessus de Chein-dessus sur la route du col de Larrieu. Bien que Chein-dessus et Montastruc soient traditionnellement rattachés à la baronnie d'Aspet, ce ne fut peut être pas le cas lors de cette période de tension, ce que semble nous indiquer la position de Sauné conforme à la configuration de la vallée.
On trouve postérieurement des "de Sauné" dans la région d'Aspet ce qui semble confirmer que ces tours de guet devaient être tenues par des hommes ayant encore ce nom qui ont eu une descendance. Tout près de Sauné se trouve Saoune avec à nouveau l'emploi de le diphtongue "AO" (Voir Etymologie)
Samatan était une châtellenie du comté de Comminges rasée par le Prince Noir en 1355 alors que Lombez à coté fut épargnée car siège d'un évêché créé en 1317 par Jean XXII. En Sénac constitue un lieu de campement idéal car bordé de trois ruisseaux, le dernier coté étant surveillé par le Senac.
Carte; Hypothèse d'affectation : Edouard III.
- =3 - Sénac, 32490 Monferran-Savès :
Ces deux sites sont sur le petit comté de l'Isle-Jourdain qui a été vendu à Jean IV d'Armagnac en 1421 par le duc de Bourbon, Jean Ier, qui lui même l'avait acquis du dernier comte de l'Isle, Jourdain VI en 1404. On peut penser qu'en achetant ce nouveau château dans lequel il prévoyait de s'installer, et anticipant l'augmentation des tensions avec le roi de France, celui-ci a mis une dernière main à la protection de ce domaine. Dans cette optique, il avait engagé deux routiers renommés, Salazar et Jean de Lescun surnommé bâtard d'Armagnac (qu'il n'était pas) pour défendre ses terres (Histoire de la Gascogne T.4 p.278). Salazar qui commandait à Rodez est obligé de capituler devant l'armée considérable du dauphin, futur Louis XI et passe alors au service du roi Charles VII. Jean IV capitule peu après en 1443 et est enfermé à Carcassonne.
Ces deux sites sont surement des postes de guet des compagnies engagées par Jean IV. Sénac est situé au sommet d'un éperon peu marqué surplombant le ruisseau de Capitani, non loin du château de Monferran qui, à l'époque, était un château du comté de L'Isle Jourdain tenu par le baron de Marestan vassal de Jean IV d'Armagnac. Le Cénac faisait également partie du Cogotois tenu par le baron de Marestan. Il est situé sur une crête dominant la rivière Boulouze, qui arrose l'Isle-Jourdain, et deux ruisseaux affluents.
Le site est nécessaire à l'abbaye de Bonnefont pour pouvoir appeler à l'aide en cas d'attaque. Cette abbaye cistercienne créée en 1136 a elle même essaimé en France et en Espagne avec six abbayes filles et a construit quatre bastides sous l'impulsion du comte de Comminges Bernard VI (1241-1295) inhumé dans l'abbatiale près des autres tombeaux de la famille. L'abbaye, dans le vallon formé par le ruisseau de Bonnefont devait en effet passer par Saunère en haut du plateau pour communiquer avec le château de Saint-Martory, la bastide de Lestelle créée en 1243 ou même le château de Montpezat sur sa colline surplombant la Garonne et berceau des comtes de Comminges.
Saunère doit être contemporain de la chaîne de surveillance proche de la frontière, le long de la Garonne composée des châteaux de Saint Martory, Montpezat, Roquefort, Sana, Mondavezan, Saunès (n°D), Saint Elix, Carbonne, Sauné (n°C) datant probablement de Henri II. A noter que Saunère est dénommé par "Gutta de la Salnera" dans le cartulaire de l'abbaye ce qui peut faire douter sur le toponyme qui existait avant l'abbaye puisque peut-être présent sur l'acte de donation avant Henri II sous une forme saline.
- =6 - Cabane et Fontaine de Saunères, 31110 Artigue :
Nous voici dans les hautes vallées de Bigorre avec ses fameuses tours à signaux et ses étonnants châteaux d'altitude. On ne sait pas très bien à quoi servaient exactement ces tours, mais ce qui est certain c'est qu'elles font partie de nos marques de frontière et qu'elles sont situées très haut, au dernier point habité avant de quitter le pays. Il est vrai que les plus grosses tours sont en fait les donjons de petits châteaux comme le Castel-Blancat mais d'autres sont si petites que l'on ne peut les prendre pour des châteaux comme la tour de Puymaurin sur le rocher du Sériail commune de Melles (ci-contre - ne serait-ce pas Sénail mal écrit ?). Pour ce qui est des châteaux nous sommes servis avec le principal, celui des comtes de Comminges, à Bramevaque (ci-dessous), puis Fronsac, Castéras, Saint-Béat, Bézins, Castel-vieil, Le Castet, Tramézaïgues, Cadéac...
Nous avons cité quelques tours et châteaux encore existants mais les textes en citent beaucoup d'autres complètement disparus et c'est le cas de nos deux sites :
Comme en Lavedan, les Anglais ont occupé les châteaux du Comminges, mais les sites de montagne devaient être préexistants et peut être dater soit de Bernard V qui était en contact étroit avec Raymond VII (petit fils d'Henri II) soit voulus par Henri II lui même pour marquer la frontière avec l'Aragon.
Carte 1; Carte 2; Hypothèse d'affectation : Indatable
COMTE de COUSERANS
Au sujet de ces trois derniers sites du Couserans, nous renvoyons le lecteur à la liste des tours à signaux aragonaise ou roussillonnaises qui permettaient de communiquer de chaque coté des Pyrénées donc les mêmes fonctions que certains de nos fameux Sonay.
C'est en 1176 que le Couserans dont la vallée de Massat est érigé en vicomté et confié à Roger Ier de Couserans petit-fils de Bernard Ier de Comminges. Roger construit le château de Chunaut en 1180 commune de Lacourt pour fermer la haute vallée du Salat et celle de l'Arac
Sounet permet de fermer une petite vallée inaccessible par un autre chemin. Cette petite vallée appelée Ourtrigou (les orties) pouvait être un repaire sûr pour des moines ermites tentant de créer un prieuré avec la possibilité d'utiliser le minerai de fer que l'on pouvait fondre dans les forges à la Catalane locales.
- +3 - Pic de Soune, 09140 Ustou :
Roger II/III de Couserans épouse en 1216 Guillemine de Pallars Sobirà, sœur de Bernard II/III comte de Pallars, et héritière du Pallars. Elle vend le Pallars à son époux en 1229. C'est suite à ce mariage que les passages du Couserans à l'Espagne, le "Port de Salau" et le "Port de Martérat" sont étroitement surveillés et protégés ensuite par le château de Mirabat que l'on pense édifié par Arnaud Ier de Couserans (p.13/14), fils de Roger III/IV de Couserans, ainsi que celui de la Garde, en contre-bas, plus récent.
Le "Port de Sounou" 2392m permet aussi un passage aisé vers l'Espagne et surveille le haut de la vallée de l'Ars donnant sur Aulus-les-Bains. Quant au Pic de Soune 2655m, il fait partie de la chaine sommitale et domine les vallées françaises et espagnoles menant au col de Martérat 2217m. Par rapport au col de Martérat, il est décalé un peu vers l'est pour rester visible du château de Mirabat 1242m sans être géné par le pic de Soubirou 2277m. Le Pic de Soune servait manifestement au moins en été, quand le col était praticable, à transmettre les messages entre les deux comtés.
Carte 1; Carte 2; Hypothèse d'affectation : Edouard Ier.