BOURGOGNE CAPÉTIENNE (suite)
Comté de Chalon
Panel de base
Ce lieu est situé dans une boucle de la Saône entre Verjux et Verdun-sur-le-Doubs. Il n'a rien d'un mont, Mont étant le nom d'un village jouxtant Verjux. Saunay devait être rattaché à Chalons sur Saône, la grande ville proche qui existait lors de la guerre des Gaules et qui fut le siège d'un comté spécifique de 938 à 1237. Mont de Saunay est au centre de la petite bosse que fait la Bourgogne robertienne sur la rive gauche de la Saône juste en amont du confluent avec le Doubs. Cette bosse provient des possessions de Guérin ou Warin ( 825-853 ) Comte de Chalons au moment du traité de Verdun.
Là aussi,on peut invoquer la présence de Hugues le Grand entre 943 et 956 puisque nous sommes là à la limite de sa zone d'influence et que Gilbert de Chalon le reconnaissait alors comme suzerain pour le comté de Chalon. Il se peut aussi que ce Saunay ait été implanté par Geoffroy Ier Grisegonelle comte d'Anjou (938-987) et comte de Chalon par son mariage en 979 avec une fille de Gilbert de Chalon Adelais, veuve de Lambert de Chalon.
Nous voila donc ici au bord de la Saône, frontière du royaume de Francie occidentale avec l'Empire germanique issu du traité de Verdun en 843. Nos Sonay n'étaient ils pas déjà synonyme de frontière pour les derniers carolingiens qui ont pu l'employer pour dénommer leur nouvelle frontière ou tout du moins transformer le fameux Souconna en Saône en se rappelant les Saon ou Saonnet du Calvados ou le pays Saosnois de la campagne sarthoise ?
Voir aussi Saonay au n°n, les Saulnards au n°k et Saunières au n°l.
Carte; Hypothèse d'affectation : Hugues le Grand ; Verdun
COMPLÉMENT
Il faut prendre ici le terme "En Sonne" comme au sommet. Nous sommes en effet au bord du plateau et proches du sommet de la montagne des Trois Croix. La montagne porte aussi le nom de mont Sène avec une vue superbe sur la vallée de la Saône, le Clunisois et le Morvan. Il est impensable qu'un poste de guet n'aie pas remplacé les temples romains détruits au Vème siècle à cet endroit d'où l'on pouvait surveiller une grande partie de la frontière avec l'Empire, ce qui expliquerait son nom. Dans ce cas il rapportait au château de la Rochepot situé à mi hauteur de la falaise viticole.
Hypothèse d'affectation : Autres toponymes
- l - Saunières, 71350 Saunières :
En reprenant le détail de carte présenté ci-dessus au n°F, on voit qu'au dessus de la bosse F, la frontière franco-impériale coupe le Doubs et la Saône de façon à laisser le confluent du coté français. L'endroit où cette frontière passe le Doubs est le site n°l et celui où elle passe la Saône est le n°k. A Palleau arrivait en bord de Saône la voie romaine Agrippa provenant de Langres (Andemantunnum), se dirigeant vers Besançon (Vesensio) puis Lausanne (Lousonna) et passant aux Saulnards après avoir traversé la Saône, puis elle traversait le Doubs à Saunières. Cette voie a donc servi de frontière entre la France et l'Empire au IXème siècle, et ce depuis le traité de Verdun en 843 d'où le nom de nos deux sites.
Carte 1; Carte 2; Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve; Verdun.
Le nom de Sennecey provient de "villa siniciacus" attesté dès le VIème siècle, mais il n'est pas impossible que la proximité de la frontière sur la Saône ait joué pour la déformation du radical initial de "sin" en "sen". Deux autres pistes à évoquer mais qui restent bien improbables :
En 870, au traité de Meerssen et jusqu'en 880 au traité de Ribemont, la frontière entre la Francie et l'Empire passe alors au delà de la Saône pour suivre la valée de la Seille et passer par Sornay et Louhans au nord de la Bresse. Les mentions les plus anciennes de Sornay sont "Ecclesia de Saonay" (dictionnaire topographique de Saône et Loire de Rigault p 703) et en 1183 : "Ecclesia de Saornaco". Nous avons déjà parlé de la diphtongue "AO" dans notre étude étymologique et rencontré Sornay dans l'étude patronymique ainsi qu'au n°2 du Limousin. Beaucoup d'éléments qui nous amènent à considérer cette piste comme sérieuse. Par la suite, avant d'être rattachée à la Savoie vers 1250, la Bresse des Bâgé reste proche de la comté de Mâcon ce qui ne nécessite pas de fortifier les frontières. Nous verrons aussi que la frontière de 870 se prolonge en Franche-Comté voir site n°8.
Carte; Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve; Verdun.
Comté d'Auxerre
Les trois sites qui suivent se situent sur la frontière du comté d'Auxerre avec celui de Sens qui fut comté plus ou moins indépendant du roi jusqu'en 1055 date de son intégration officielle au domaine royal par Robert II le Pieux. Les périodes de tensions entre les deux comtés sont les suivantes :
Concernant Senan, la toponymie officielle donne ce nom comme dérivant de senô = vieux en gaulois. En effet, Senan était un carrefour important du temps des Romains avec un théâtre pouvant accueillir 3000 personnes. Mais Senan est également la frontière du nouveau comté de Joigny avec le comté d'Auxerre, le "Gros Mont" pouvant être l'emplacement d'un château à motte éventuel protégeant Joigny d'une attaque par la vallée du Tholon. On connaît mal la généalogie des premiers seigneurs de Joigny mais ils sont apparentés aux grandes familles de Champagne chez qui on a noté l'utilisation fréquente du toponyme.
Pour les autres sites du comté de Joigny, voir Champagne n°c et d.
Carte; Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve
Les Saulniers sont situés sur la frontière même du comté d'Auxerre avec le comté de Sens. Là encore, on peut noter la présence d'une motte sur l'ancienne commune de Grandchamp attestant l'ancienneté de cette frontière (Grandchamp existait en 638). Rappelons que les grands de Neustrie Robert le Fort, Hugues l'Abbé et Hugues le Grand (en 954) furent comte d'Auxerre. Champignelles proche du site appartenait aux Courtenay (voir Île de France n°e).
Carte; Hypothèse d'affectation : Robert le Fort
Malgré l'ancienneté du village de Merry-Sec qui existait en 853, le site ne présente pas de particularité, ne pouvant surveiller qu'une petite vallée éloignée de la frontière. Peut-être un lieu ou poussait la plante du même nom.
Hypothèse d'affectation : Autres toponymes
Avec ce site, la même situation qu'au n°p se retrouve ici sur la frontière même du comté d'Auxerre mais avec le comté de Nevers. La place forte correspondante est le château de Druyes (ci contre) ou plus précisément la fortification antérieure comme à l'habitude. De plus le site est sur la voie romaine Agrippa Bourges (Avaricum) -Auxerre (Autessiodurum). C'est la voie empruntée par Charles le Chauve lors de la bataille de Fontenoy qui établit son camp non loin de là sur la commune de Thury. De nombreux restes romains attestent de l'implantation de la ville d'Intaranum située près de la Montagne des Alouettes. Villa mérovingienne importante également à Chevigny. Etais-la-Sauvain était une châtellenie dépendant du conté de Nevers maintenant dans l'Yonne.
Carte; Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve
Comté de Mâcon
Trop près de Cluny et de son abbaye, en fond de vallée peu marquée, hors des routes possibles, le nom du site semble provenir du nom du ruisseau en contre-bas : "Rivus Salnarium alias Salnad" en 986 "rivus de Salnac" en 1075 mais aussi "Rosseau de Sonnay" en 1484.
Hypothèse d'affectation : Sans intérêt
Les quatre derniers sites sont tous autour de Mâcon, ville où l'on rencontre beaucoup de noms commençant par SEN ou SAUN.
Cette fréquence de lieux avec le radical SEN ou SAUN autour et dans Mâcon sur la rive droite de la Saône nous rappelle que c'est sur l'ile Saint Jean ou Palme près de Sancé qu'à été préparé le traité de Verdun faisant de la Saône la frontière entra la Francie et l'Empire en 845. Il se peut même que le nom de l'ancienne Souconna ait alors été muté en Saône pour accentuer son rôle de frontière. Pour ce qui est de l'emploi de la diphtongue "AO", voir n°n et "étude étymologique".
Pour confirmer notre propos ci dessus, voici l'histoire des noms de la Saône :
Date | Nom | Date | Nom | Date | Nom |
-50 IVème VIème VIIème 665 860 870 875 X Fin Xème |
Arar Ararim/Sauconam Araricus/Sangona Araris/Saucumna/Saogonna Sangonam Saugonna Segonna Sagona Araris/Segunae Harari |
XIème 1143 1171 1215 1215 1232 1237 1268 1286 1292 |
Sagunna Ararim Sagonne Soana Saonem Sauna Saonna Sagona Saone Soone |
1318 1395 1428 1473 1480 1506 1549 1763 1869
|
Segonna Soosne Soigne Soone Saosne Soone Saosne Saône Saône
|
Ce n'est qu'en 1215 qu'apparait un nom correspondant au nom moderne. Les habitudes ont la vie dure... on voit encore le nom latin en 1143.
Cette frontière France-Empire a varié au cours du temps mais passait toujours par Mâcon (flèche blanche):
En 911 jusqu'en 925, Charles III le Simple est roi de Francie occidentale et duc de Lotharingie (Lorraine) qu'il contrôle plus ou moins bien. Par la suite, la Lotharingie devient saxonne jusqu'en 953.
Pour plus de détails sur les emplacements des sites sur les frontières, voir les feuilles suivantes : Verdun, Meerssen.
Les Senecé étaient une famille de Mâcon provenant surement de la ville de Sennecé où l'on peut voir une des tours restantes du château médiéval. Ils ont possédé en 1741 l'hôtel du même nom dans Mâcon. On peut citer aussi Brice Bauderon de Sénecé ou de Senecey juriste et poète (1613-1698) et son fils Antoine, poète et archéologue (1643-1737). Henry de Senecey qui fut abbé de l'abbaye de Tournus. Il est très difficile de les distinguer de ceux de Sennecey-le-Grand qui ont pris le titre de Marquis de Senecey (voir n°m). Pour ceux de Mâcon, voir le fonds Guitry.
Mâcon est la ville gallo-romaine du nom de Matisco. C'était un oppidum et un port fluvial des Eduens. elle fut le siège d'un comté avant 871 puis intégrée au duché de Bourgogne à partir de 880 jusqu'en 1477 date à laquelle elle est rattachée au royaume de France.
Carte: Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve; Verdun.
Puits Senailler est un quartier de Sancé sur la rive droite de la Saône entre Sennecé-lès-Mâcon au nord et Mâcon au sud. Il y avait deux seigneuries à Sancé, celle des Châtenay et celle du Parc qui deviendra le comté de Senozan. C'est dans la commune que se trouve l'ile Saint-Jean où les petits fils de Charlemagne se sont partagé l'empire.
Carte; Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve; Verdun.
Leynes, un peu plus haut sur la vallée de l'Arlois était une place forte du duché de Bourgogne avec son château. Le village avait été donné par Charles le Chauve à l'abbaye Saint Philibert de Tournus en 875 (voir Bourbonnais n°6). Les Sauniers en contre-bas au confluent du Prety et de l'Arlois pouvait donner l'alerte en cas d'intrusion vers le haut de la vallée. Un lieu-dit "les Batailles" rappelle que le village et la forteresse ont été attaquées plusieurs fois.
Carte; Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve, Verdun.
L'ile de Saint Romain d'Ancelles revendique aussi la préparation du traité de Verdun (voir n°u). Les Sénailles et Sennecé n°t étaient peut être les entrées et sorties de Mâcon sur la via Agrippa principale, Arles (Arelete) - Cologne (Colonia Claudia Ara Agrippinensium) avec péages et/ou fortifications.
Carte; Hypothèse d'affectation : Charles le Chauve; Verdun.
Nous avons donc trouvé en Bourgogne, comme en Berry, Nivernais et Bourbonnais des sites moins en position de guet mais par contre très anciens dont certains rattachables à la présence des Francs de Neustrie du temps des buttes féodales.
La partie impériale du duché de Bourgogne soit le département de l'Ain est traitée avec la Franche-Comté alias Comté de Bourgogne que nous avons dénommé Bourgogne impériale.